J’avais pleinement conscience que ma présence pourrait être mal prise, après tout j’avais rejeté la possibilité de la connaître. En regardant de nouveau son badge, je lui faisais comprendre que je n’ignorais rien de sa relation avec Zélian, j’espérais seulement que nous pourrions passer outre mon refus. Je sentis la nervosité qui se dégageait d’elle, d’autant plus que sa posture s’était faite plus raide, plus crispée, peut-être n’avais-je pas eu une bonne idée. Peut-être aurais-je du la prévenir de ma venue, visiblement elle était mal à l’aise et ce n’était pas ce que je souhaitais. Or manifestement j’étais la seule responsable de cet état, son expression changea rapidement, je sentais qu’elle se posait des tas de questions. La seule que je pouvais entrevoir était de savoir pourquoi j’étais ici…

En ce laps de temps si court, j’eus tout le loisir de l’observer… Elle n’était pas trop maigre, ni trop grosse, plutôt dans la moyenne et elle avait un visage charmant quoi que perturbé en cet instant. Sa beauté était de celle qui vous attire, je comprenais parfaitement pour quelles raisons elle avait attiré mon frère, ce que j’ignorais ce qui l’avait retenu auprès d’elle. Ce qui me marqua sans doute le plus, c’était la profondeur de ses yeux, maman nous avait dit un jour que les yeux étaient une porte ouverte vers notre âme, et Mélinda avait de magnifiques iris. Un autre jour, dans d’autres circonstances, je l’aurais vu différemment et je l’aurai trouvé somptueuse, néanmoins le stress causé par ma présence ne me permettait pas de la jugée sereinement. En tout cas il émanait d’elle une force insoupçonnée, je le sentais alors qu’elle tentait de reprendre ses esprits.

Maman... Maman!! MAMMMANNN!!

Ce n’était pas la première fois que j’entendais les insistance d’une petite fille, je posais mes yeux sur celle qui venait interrompre ma réflexion, provoquant une petite vague de panique dans mon esprit. Visiblement elle s’adressait à mon interlocutrice, j’en concluais qu’elle était la mère de la petite. L’espace d’un instant je redevins la fille de William Mac Douglas, celle qui apparaissait en publique, qui avait un masque sur le visage pour ne pas montrer ses émotions. Toutefois quand vous avez une charmante petite fille qui vous regarde il n’est pas facile de garder ce masque très longtemps, encore moins quand vous savez que le sujet des enfants est constamment abordé dans votre couple. Et puis à la regarder, elle était trop mignonne pour m’offusquer que Mélinda est une fille.

Pourtant je me demandais si Zélian était au courant de cette situation, lui qui n’avait jamais évoqué les enfants avec qui que ce soit, s’il continuait dans cette voie, il allait devenir le père de cette enfant, tout du moins son beau-père… Encore un obstacle sur la route qu’il empruntait. Je dus me rendre à l’évidence, tout le monde dans ce salon de thé semblait savoir qui était cette enfant, donc forcément lui aussi le savait. Ce qui me conforta dans l’idée que mon frère était vraiment amoureux d’elle et qu’il était sérieux quand il parlait de la présenter à la famille. Je m’en voulais de ne pas lui avoir tout de suite apporté mon soutien.

Ma chérie... Tu serais un ange si tu la lui apportait!! Maman doit discuter deux, trois mots avec la gentille demoiselle...

Effectivement nous devions discuter, je fis un grand sourire à la petite fille qui parti vers l’arrière du salon de thé, parfaitement consciente que désormais j’allais devoir jouer carte sur table.

A vrai dire je ne m’attendais pas ce matin à venir ici, j‘ignorais même que vous travailliez à Pré au lard.

J’espérais que mon ton ne fut ni provocateur, ni condescendant mais neutre pour lui montrer que je venais en paix. Seulement je ne savais pas moi-même pourquoi j’avais fait la démarche de venir la voir, bon bien sûr que je voulais savoir qui elle était, pourquoi elle et pas une autre. Pourtant tout me dictait que la relation entre un Mac Douglas et une Everwood était vouée à l’échec, alors pourquoi celle-là serait différente ? Je n’en savais rien, je redoutais que mon frère ne finisse aussi malheureux que notre oncle. Néanmoins Zélian était mon frère, je me devais donc d’agir comme une sœur aimante et offrir une chance à cette jeune femme.

Pour cela je devais prendre sur moi, s’il m’avait prévenu moi, c’était parce qu’il avait une raison de le faire. Il avait confiance en moi, alors à moi maintenant de lui monter qu’il avait eu raison. Mélinda avait parfaitement cernée le fait que ma commande était un prétexte à la discussion, cela ne m’empêcha pas de goûter le moelleux qu’elle m’avait apporté. Je portais donc un morceau à ma bouche, mes papilles furent mises à l’épreuve, c’était un tel délice qu’il me rappelait les gâteaux de maman. Au moins si c’était son œuvre, je savais que sa cuisine devait ravir ce goinfre de frère aîné.

Bien que ce ne soit pas une tarte, vous avez raison c’est vraiment délicieux.

Il était plus difficile que je ne l’aurais imaginé de lui parler, je ne pouvais plus reculer désormais, c’était moi qui était venu la rencontrer pas le contraire.

Écoutez je suis désolée de ma réaction, mais vous êtes la première pour laquelle Zélian est prêt à tout risquer. Quand on connaît notre père, c’est qu’il doit vraiment tenir à vous.

Je continuais sur ma lancée, ressentant le besoin de lui montrer combien j’étais désolée et combien ce qu’ils entreprenaient étaient risqués pour tous les deux. Je lui avouais avoir été blessé d’apprendre que Zélian nous cachait une partie de sa vie, que j’avais eu peur de voir un autre frère perdre l’amour de notre père, qu’il ne serait pas facile pour elle de s’intégrer à nous… Je me stoppais pour évaluer la situation.

Je connaissais parfaitement mes frères et sœurs comme si je les avais faits, Satine serait celle qui s’amuserait le plus de la situation depuis le temps qu’elle souhaite se venger des interrogatoires que notre auror familial avait fait subir à tous ses petits amis. Derek se rangerait plus facilement auprès de père, parce que les Everwood étaient des opposants politiques, eux aussi convoitaient des postes importants, aussi mon petit frère verrait cette relation d’un œil faussé. Quand à Tyan, je suppose qu’il s’opposerait à cette relation par principe, lui aussi a été dans la méfiance envers les Everwood mais plus que nous autres, il était celui qui était le plus proche de John. Celui qui avait subi le courroux en souhaitant épouser une Everwood dans sa jeunesse.

Enfin je comprenais, j’ancrais mon regard à celui de mon interlocutrice, tandis que mes lèvres s’entrouvrirent quelques peu… Zélian m’avait choisi moi pour alliée parce que j’étais celle capable de faire la différence, je savais gérer toute la famille, depuis la mort de maman c’est-ce que j’avais appris à faire. Je savais que Satine se rallierait à cette relation si elle comprenait que cette fois-ci Zélian ne jouait pas. Pour les deux autres, j’avais des raisons à la pelle pour les convaincre. Alors j’avais beau la mettre en garde contre nous, je me doutais que cela avait peu d’importance.

Si vous êtes prête à vous battre pour lui, alors je vous aiderais.

Je lui signifiais par là que j'étais prête à tout pour que leur relation soit plus facile.